Voici notre circuit réalisé en 10 jours sans guide ni porteur : Nayapul → Ulleri → Ghorepani → Poon Hill → Tadapani → Chhomrong → Dovan → Deurali → ABC → Chhromrong → Pokhara

Préparer un trek en indépendant nécessite un soupçon d’organisation. Pour découvrir les différentes étapes de préparation, c’est par ici !

Jour 1 : mercredi 24 mai 2017

Étape 1 : Nayapul [1,070 m] à Ulleri [2,080 m]

4h50 – Dénivelé : 1,110 m – Étages grimpés : 474

13.3 km

Aujourd’hui, c’est le grand jour ! Nous quittons notre hôtel à 5h30 en direction de la gare routière de Baglung. Légèrement excentrée du centre-ville, nous décidons de prendre un taxi pour nous y rendre [400 roupies depuis Lakeside, Pokhara] et ainsi éviter quatre kilomètres de marche inutile. Depuis Baglung, nous prenons le premier bus de la journée en partance pour Nayapul [200 roupies par personne].

Le ciel est dégagé et le trajet nous permet d’avoir une vue imprenable sur la Machhapuchhre qui se dresse à 6,997 mètres au-dessus de Pokhara. Le trajet dure 1h40 bien qu’il n’y ait que 43 kilomètres qui nous séparent de Nayapul, ville permettant de rejoindre facilement plusieurs routes de trek. En effet, la route, qui ressemble parfois plus à un chemin caillouteux, serpente à travers la montagne. Le chauffeur fait également un long arrêt pour petit-déjeuner. Néanmoins, il s’agit du moyen le plus économique pour rendre sur place [taxi Lakeside à Nayapul : 1,800 roupies – taxi Baglung à Nayapul : 1,500 roupies] et pour nous : c’est aussi ça l’aventure !

À 7h40, le bus nous dépose nous et nos sacs à dos en bord de route et nous descendons vers le village avant d’entrer sur la zone protégée des Annapurnas : nous sommes aux anges. 30 minutes plus tard, nous rejoignons Birethanti où nous passons les deux postes frontières : contrôle des permis TIMS puis de l’ACAP.

L’objectif aujourd’hui est de rejoindre le village d’Ulleri situé à 2,080 mètres d’altitude, soit un dénivelé de 1,010 mètres : autant dire que cela va grimper ! La première partie du chemin s’effectue sur une route caillouteuse mais les paysages verdoyants sont superbes. Nous traversons plusieurs ponts suspendus, longeons la rivière, traversons de nombreux villages. Les habitants que nous rencontrons tout au long du chemin sont très gentils et nous saluent à notre passage. Nous apprécions l’atmosphère si paisible qui se dégage des lieux. Nous ne croisons que très peu de trekkeurs et prenons notre temps pour trouver notre rythme de marche.

Arrivés à Tikhedhungga, un local nous salue en nous indiquant la direction d’Ulleri. Pour nous, il ne reste qu’un kilomètre et demi à vol d’oiseau et nous avons du mal à le croire lorsqu’il nous explique que nous en avons encore pour deux heures. Effectivement, il avait raison : à notre plus grand désespoir ! C’est prêt de 3,000 marches de pierres irrégulières que nous devons affronter pour atteindre Ulleri. Heureusement, nous adoptons la technique du crabe et montons en diagonale, ce qui rend l’exercice moins fatiguant. Toutefois, les marches cassent le rythme et font travailler dans la douleur mollets et cuisses. Lorsque nous pensons en être à la moitié, nous n’y sommes toujours pas ! Nous partageons la route avec des caravanes de mulets transportant les denrées alimentaires d’un village à un autre !

Lorsqu’enfin nous apercevons l’entrée du village d’Ulleri à 12h30, nous sautons de joie jusqu’à ce que nous comprenions que le village est lui aussi construit autour d’une allée principale faite de marches… Nous montons dans les hauteurs et prenons une chambre au « Hill Top lodge », petite guest house de montagne tenue par une famille népalaise. La chambre double sent l’odeur du bois et a beaucoup de charme.

Avant de nous refroidir, nous filons tout de suite à la douche puis nous reposons de cette longue ascension. Objectif atteint aujourd’hui : nous sommes arrivés avant la pluie qui se manifeste à 15h15. Pendant près de deux heures, il pleut des torrents puis cela se calme en début de soirée. Nous en profitons pour lire avant de rejoindre la salle commune, boire un thé et commander notre dîner. Nous craquons pour de délicieuses macaronis qui nous réchauffent, la température ayant fortement chutée ! Et lorsque le soleil se couche, nous en profitons pour faire de même !

Jour 2 : jeudi 25 mai 2017

Étape 2 : Ulleri [2,080 m] à Ghorepani [2,909 m]

3h25 – Dénivelé : 829 m – Étages grimpés : 307

13.5 km

Le jour se lève sur Ulleri et nous apercevons le soleil qui perce derrière la montagne : le beau temps est de retour. Après un petit-déjeuner copieux, nous quittons notre lodge à 7h45 en direction de Ghorepani. Le chemin reprend là où nous l’avions laissé : c’est-à-dire avec ces mêmes marches de pierres. La première partie du chemin se fait sur le versant de la montagne. Nous partageons le chemin avec de nombreuses caravanes de mulets qui transportent des bouteilles de gaz ainsi que… des poules et des poulets ! À chaque village, les caravanes font un arrêt afin de vendre leurs marchandises. L’approvisionnement de tous les villages se fait à partir du village de Ghandruk. Sur une base journalière, les caravanes de mulets font les allers-retours pour rapporter les marchandises dans les autres villages. Néanmoins, à partir de Chhomrong, ce ne sont plus les mulets qui effectuent ce travail mais bien les hommes qui portent sur leur dos les provisions.

Après le village de Ban Thanti, le chemin s’enfonce dans les sous-bois ce qui nous permet de profiter de la fraîcheur ambiante. Nous longeons cours d’eau et cascades et en profitons pour nous arrêter quelques instants.

Le chemin est plutôt plat jusqu’à Naya Thanti ce qui nous permet de reprendre des forces avant d’entamer la dernière montée vers Ghorepani. 400 mètres de dénivelé de marches : nous sommes ravis d’atteindre l’entrée de ce village après 3h25 de randonnée. Il était indiqué que ce trajet se faisait en quatre heures, mais nous ne nous sommes pas pressés.

À Ghorepani, il faut tout d’abord se rendre au check-point afin de se faire enregistrer et présenter ses permis. Le village est séparé en deux et nous nous rendons dans la seconde moitié située en hauteur. Nous choisissons le « Snowview Lodge », bien qu’il ne soit pas notre premier choix, mais le temps tourne déjà et n’avons pas le courage de grimper plus loin. Finalement, les chambres proposées sont spacieuses avec salle de bain privative que Benjamin négocie 200 roupies avec wifi gratuit au lieu des 500 demandées et des 700 en haute-saison. Il n’est que 11h30 mais la température à fortement chutée : nous sommes à 2,909 mètres d’altitude et passons l’après-midi à nous acclimater. De toute façon, la pluie arrive rapidement et le temps est trop nuageux.

Le lodge est plutôt rempli car nous sommes dans un village étape d’où il est possible d’atteindre Poon Hill, point de vue à 3,210 mètres sur les Annapurnas.

Notre ascension est prévue le lendemain matin avant le lever du soleil : nous dînons donc tôt et nous couchons rapidement.

Jour 3 : vendredi 26 mai 2017

Étape 3 : Ghorepani [2,909 m] à Poon Hill [3,210 m]

1h15 – Dénivelé : 301 m – Étages grimpés : 96

6.5 km

Dans la nuit, Benjamin est malade et lorsque l’alarme sonne à 4h15, le réveil est plutôt difficile. Néanmoins, il décide de tenter l’ascension malgré tout. Après avoir enfilé plusieurs couches de vêtements, nous partons donc en direction de Poon Hill à la lampe frontale. L’ascension ne dure que 45 minutes mais le chemin n’est composé que de marches en pierre : à cette heure matinale, cela ne nous amuse pas tellement ! Nous nous acquittons du droit d’entrée de 50 roupies par personne et découvrons petit à petit les sommets enneigés illuminés par la lumière du jour. Arrivés en haut, nous sommes ravis d’avoir battu notre record d’altitude, bien que la forme de Benjamin ne soit pas olympique !

À 3,120 mètres, nous avons un panorama incroyable qui s’offre à nous.

Toutefois, cela ne sera que de courte durée car en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, le ciel se couvre et la visibilité devient nulle. Nombreux sont ceux qui se découragent et redescendent. Nous décidons d’attendre encore un peu, espérant que le soleil percera à travers les nuages. Bingo ! Le sommet du célèbre Machhapuchhre [6,997 mètres d’altitude] émerge des nuages, puis vient le tour de l’Annapurna South [7,219 mètres d’altitude], de l’Annapurna 1 [8,091 mètres d’altitude] et enfin du massif Dhaulagiri dont le plus haut sommet éponyme est le plus haut entièrement situé au Népal [8,167 mètres d’altitude]. Nous sommes tout simplement émerveillés et n’avons qu’une phrase à la bouche : « c’est magnifique » !

Après presque de deux heures de contemplation, nous redescendons tranquillement vers notre lodge. Nous décidons de changer notre itinéraire pour rester une nuit de plus à Ghorepani alors qu’il était prévu que nous rejoignons directement notre étape suivante après l’ascension de Poon Hill. Cela va nous permettre de nous reposer et de nous acclimater à l’altitude avec nos symptômes qui ressembleraient bien à la grippe. En y réfléchissant bien, en l’espace d’une semaine seulement, nous sommes passés des 46°C de Varanasi à seulement 10°C dans les Himalayas. Il y a de quoi attraper la crève !

Nous passons donc le reste de la journée sous notre couette ultra-chaude, à profiter de la chaleur du poêle dans la pièce commune du lodge ou à siroter un thé au citron. Nous n’aurions pas pu faire autre chose puisque la pluie pointe son nez, ponctuelle, en début d’après-midi ! L’humidité nous glace les os.

Jour 4 : samedi 27 mai 2017

Étape 4 : Ghorepani [2,909 m] à Tadapani [2 ,700 m]

4h30 – Dénivelé : 209 m – Étages grimpés : 187

15.9 km

Une bonne nuit de sommeil nous a permis de récupérer de l’énergie pour entamer cette nouvelle journée de randonnée. Nous petit-déjeunons puis quittons le lodge à 7h30 avec notre attirail « spécial pluie et froid » : coupe-vent imperméable, écharpe, polaire et protection sur les sacs à dos. En effet, le ciel est très couvert empêchant le soleil de réchauffer l’atmosphère et quelques précipitations sont annoncées pour la matinée.

Nous devons rejoindre le village de Tadapani situé à 2,700 mètres : vu comme cela, nous devrions perdre quelques centaines de mètres d’altitude. Toutefois, la première partie du chemin grimpe jusqu’à Deurali pour passer le Deurali Pass à 3,090 mètres. Les marches de pierres sont encore bien présentes et comme dit Benjamin : « elles ne nous avaient pas manquées ». Nous manquons de redescendre à Ghorepani car nous nous trompons de chemin : il y en avait en réalité deux qui montaient au même endroit depuis le village. Nous avons emprunté le premier pour grimper et étions bien partis en descente sur le second. Dans un éclair de lucidité [fait assez rare pour être mentionné ici, mon sens de l’orientation étant pitoyable], j’alerte Benjamin et nous faisons demi-tour.

Le point de vue depuis Deurali Pass est tout simplement époustouflant : nous ne nous lassons décidement pas des vues sur les sommets de l’Annapurna !

C’est à travers la forêt et les énormes rhododendrons que nous poursuivons notre ascension vers le village de Ban Thanti. Nous longeons cascades et rivières dont les lits sont bordés par des fraisiers et framboisiers tout en écoutant le chant des oiseaux lorsque nous atteignons un lieu tout à fait étonnant. À perte de vue, se dressent dans le cours d’eau d’innombrables « cairns » ou « montjoies ». Il s’agit de monticules de pierres réalisés par les randonneurs pour baliser un sentier, marquer son passage ou un site funéraire, indiquer l’entrée d’une grotte ou surveiller le niveau des rivières.

À partir de Ban Thanti, le chemin descend plus qu’il ne devrait au creux du vallon avec toujours ces mêmes marches irrégulières. Dans nos têtes, un signal d’alarme résonne : il va donc falloir remonter d’une façon ou d’une autre, puisque Tadapani est censé être situé sur une colline. La dernière montée de marches nous achève : nos mollets tirent sur les courbatures et nos genoux en prennent un coup !

Nous atteignons Tadapani, petit village composé de huit lodges, après 4h30 de trek. Nous choisissons de nous installer au « Panorama Point ». Le responsable nous promet une douche chaude, qui n’est pas un luxe vu le froid extérieur, mais le chauffe-eau a apparemment lâché et lorsque Benjamin allume l’eau… celle-ci est glacée. Nous changeons donc de lodge pour le « Magnificient Hotel ». Les chambres sont spartiates mais la douche située à l’extérieure est brûlante. Toutefois, il faut se faire violence pour se rendre dans le jardin en petite-tenue.

Nous avons encore une fois réussi à passer à travers les gouttes car les pluies diluviennes n’arrivent qu’au milieu de l’après-midi lorsque nous sommes bien au chaud au coin du poêle.

Jour 5 : dimanche 28 mai 2017

Étape 5 : Tadapani [2,700 m] à Chhomrong [2,170 m]

4h00 – Dénivelé : 530 m – Étages grimpés : 116

16.7 km

Lorsque le réveil sonne à 6 heures, il pleut déjà de grosses gouttes. Nous savions que les prévisions météorologiques pour aujourd’hui étaient les plus mauvaises de ces dix jours : néanmoins, ce temps atteint fortement notre moral. Nous petit-déjeunons dans l’espoir que le temps se lève avant de vite nous résigner : nous n’avons vraiment pas envie de rester à Tadapani une seconde journée, mais ne voulons pas d’un autre côté marcher sous ces trombes d’eau.

La fenêtre météo que nous attendions désespérément arrive finalement à 8h15 quand les rayons du soleil percent les nuages. Nous n’avons jamais rangé aussi vite nos affaires et sauté dans nos chaussures. Dix minutes plus tard, nous sommes tout sourire sur le chemin de Chhomrong, notre prochaine étape. Ce village se situe à 2,170 mètres d’altitude : nous allons donc avoir un dénivelé négatif !

La première partie du chemin descend à travers la forêt. Le sol est détrempé et nous devons faire attention où nous mettons les pieds entre les pierres, les racines glissantes et les potentiels risques de sangsues. Cela nous conduit en 45 minutes jusqu’au village de Chuile. D’ici, la vue est tout simplement époustouflante sur la vallée. Nous avons déjà perdu 300 mètres de dénivelé et avons traversé la barrière de nuage qui flotte toujours sur les hauteurs. Plus nous descendons, plus nous sentons que la température remonte !

La végétation est toujours aussi luxuriante et nous poursuivons à travers les cultures plantées en terrasse jusqu’au pont suspendu de Ghurnung. Ce dernier nous permet de traverser d’un côté à l’autre de la vallée qu’il nous faut ensuite remonter via toujours des marches de pierres omniprésentes jusqu’au village de Taulung. Nous sommes impressionnés de visualiser tout le chemin que nous avons parcouru : nous apercevons en effet au loin Tadapani.

Après quatre heures de marche, nous sommes à quelques centaines de mètres de notre destination et sommes rattrapés par quelques gouttes de pluie qui ne s’éternisent heureusement pas. Nous avons beaucoup aimé cette journée : sans aucun doute la plus agréable depuis le début du trek.

Chhomrong est un grand village par rapport à ceux que nous avons traversé et nous trouvons refuge au « Lucky Guest House ». Ce lodge est situé au milieu du village et a surtout l’avantage de proposer une chambre avec salle de bain privative. La vue y est très belle, l’atmosphère est apaisante et nos hôtes sont charmants.

Jour 6 : lundi 29 mai 2017

Étape 6 : Chhomrong [2,170 m] à Dovan [2,520 m]

4h10 – Dénivelé : 350 m – Étages grimpés : 205

15.5 km

La pluie a résonné sur le toit une bonne partie de la nuit et Benjamin a dû aller vérifier que nos affaires étendues dehors ne prenaient pas l’eau mais cela ne nous a pas empêché de bien dormir. Hier soir, nous avons passé la meilleure soirée depuis le début de notre trek : un bon dîner partagé avec d’autres trekkeurs.

Cela nous met donc de bonne humeur et retrouvons tout le monde au petit-déjeuner. Nous ne sommes que trois à monter vers l’Annapurna Base Camp et décidons de partager la route avec un militaire espagnol nommé Alvaro.

À 7h30, nous sommes passés au check-point où un contrôle de notre permis est effectué et entamons la descente vers le pont suspendu de Chhromrong. Je commence la journée par une glissade spectaculaire dans les escaliers sans gravité : juste une égratignure au doigt que Benjamin me fait soigner rapidement. Cela nous rappelle que nous entamons notre sixième jour de trek consécutif et que nous devons être d’autant plus vigilant que nos corps commencent à accuser le coup.

De Chhomrong à Sinuwa, il n’y a que des marches en pierre qui descendent puis remontent de l‘autre côté de la vallée. Nous sommes à présent sur le chemin de l’Annapurna Base Camp qui se fait en aller-retour. Nous savons déjà ce qui nous attend dans quelques jours lorsque nous redescendrons et il y a des portions que nous n’avons pas hâte de retrouver. Toutefois, le paysage est simplement extraordinaire.

Le reste du trajet se fait en sous-bois, sur des chemins terreux que nous affectionnons particulièrement. Nous longeons toujours des cascades jusqu’à Bamboo. Nous croisons de nombreux trekkeurs qui redescendent du camp de base et sont tous unanimes : il y fait froid et la visibilité est mauvaise. Néanmoins, cela n’atteint pas notre moral car nous sommes conscients que nous sommes en train de nous dépasser physiquement et aussi moralement. Honnêtement, nos jambes n’en peuvent plus et tout se passe dans la tête. Nous avons chacun notre source de motivation. Benjamin tient car il veut boire une bière à 4,130 mètres et veut accrocher une photographie de nous dans notre futur salon devant la pancarte du camp de base. Quant à moi, il s’agit d’un défi personnel : je veux me prouver que je suis capable d’aller jusqu’au bout sans craquer.

Nous atteignons Dovan à 11h40 soit 4h10 après notre départ de Chhomrong, ce qui est mieux que le temps moyen annoncé de 4h30. Alvaro décide de poursuivre vers le prochain village situé à deux heures de marche tandis que nous décidons de dormir à Dovan. Les gérants du « Tip Top Lodge » ne sont à première vue que peu accueillants [voir impolis] mais il s’agit du seul lodge ouvert sur les trois que compte le village. Aucune négociation possible sur les tarifs pratiqués qui sont les mêmes que pendant la saison touristique. Ce fût toutefois une très bonne décision car la pluie tombe quelques minutes seulement après notre arrivée.

Nous avons du mal à nous réchauffer et décidons de boire un thé au citron en milieu d’après-midi. Cette boisson est ma grande découverte : moi qui ne buvais pas de thé, je ne peux m’en passer ! Nous rencontrons un couple sud-américain, elle, originaire d’Argentine et lui de l’Équateur, qui partagent avec nous leur fabuleux parcours autour du monde. Leurs destinations sont hétéroclites et peu touristiques ce qui rend leur récit passionnant : Iran, Pakistan, Chine Occidentale, Oman et bien d’autres pays exotiques…

Pour le dîner, nous ne pouvons manger aucune viande. En effet, de Sinuwa au camp de base de l’Annapurna, la région est sacrée. Nous sommes prévenus par un très curieux panneau que nous rencontrons plusieurs fois sur le chemin. Il est formellement interdit de tuer, manger et transporter porc, bœuf, chèvre et poulet, sous peine que les éléments se déchaînent sur la région.

À la nuit tombée, nous observons la seule étoile brillant dans le ciel, espérant que cela signifie que la journée de demain sera claire. Nous distinguons la présence de Machhapuchhre qui trône au-dessus de nos têtes. Cette montagne, également appelée « fishtail » ou « queue de poisson », est une montagne sacrée, considérée comme la demeure de Shiva. Il est interdit depuis 1957 de l’escalader plus loin que son camp de base situé à 3,700 mètres d’altitude. Une autorisation de grimper a toutefois été délivrée en 1993 à une alpiniste japonaise après que celle-ci ait dirigée une expédition féminine sur l’Everest.

Jour 7 : mardi 30 mai 2017

Étape 7 : Dovan [2,520 m] à Deurali [3,200 m]

2h40 – Dénivelé : 680 m – Étages grimpés : 143

9.3 km

Les prévisions météorologiques donnaient cette journée comme la plus belle et claire de la semaine. Nous projetons donc de partir tôt pour rejoindre Deurali et pourquoi pas le camp de base du Machhapuchhre. En nous réveillant, nous nous apercevons rapidement que nos plans vont être contrariés par la pluie qui tombe déjà.

À 7h50, une fenêtre météo s’offre à nous et nous permet de monter au sec jusqu’au village nommé Himalaya. Le chemin est similaire à celui entre Bamboo et Dovan : en forêt sans fort dénivelé. À Himalaya, nous observons le temps changer. En moins de cinq minutes, les nuages s’emparent de l’atmosphère, empêchent toute visibilité sur le paysage et nous apportent la pluie. Je ne fais pas la fière car nos dernières expériences avec le brouillard ne m’ont pas laissé que de bons souvenirs.

Nous poursuivons jusqu’à Deurali en ne regardant que nos pieds et avançant le plus rapidement possible. La sensation d’humidité mêlée au froid est extrêmement désagréable. Néanmoins, nous nous réconfortons en nous disant que chaque pas supplémentaire nous rapproche de Deurali ! La pluie n’est de plus pas battante et cela pourrait être bien pire ! Tout est une question de mental à cet instant et nous ne devons surtout pas nous laisser décourager : le pire qu’il puisse arriver en altitude. Alors oui, c’est une épreuve difficile mais nous gardons notre objectif en tête et trouvons chacun une carotte qui nous permet d’avancer : Benjamin ne nous sort de notre concentration uniquement lorsqu’il glisse sur…un bloc de glace !

Quelques minutes plus tard, il me dit tout radieux : nous sommes arrivés ! Déjà ?! A croire que la pluie nous a donné des ailes : 2h40 de marche au lieu des quatre heures prévues !

Nous nous arrêtons au « New Panorama Lodge » qui s’avère être tenu par les fils des propriétaires du lodge où nous avons résidé à Chhomrong. Nous nous offrons le luxe d’une douche chaude [150 roupies par personne] à 3,200 mètres d’altitude afin de nous réchauffer et espérons que nos affaires seront sèches pour le lendemain.

Nous passons la fin de journée à discuter avec nos deux amis sud-américains rencontrés à Dovan en ayant du mal à nous réchauffer. Les feux, même ceux des poêles, sont interdits sur la zone sacrée des Annapurnas. La fatigue et les maux de tête se font sentir rapidement et nous nous endormons sous une double ration de couverture.

Jour 8 : mercredi 31 mai 2017

Étape 8 : Deurali [3,200 m] à ABC [4,130 m]

3h45 – Dénivelé : 930 m – Étages grimpés : 248

11.9 km

C‘est le grand jour ! Après sept jours de marche, nous allons gravir aujourd’hui les quelques 900 mètres de dénivelé qui nous séparent du camp de base de l’Annapurna [ABC]. Nous sommes tout excités, d’autant plus qu’il ne pleut pas.

À 7 heures, nous quittons donc Deurali avec une vue dégagée et un ciel bleu. Le chemin n’est pas difficile et longe toujours la rivière au creux de deux flancs de montagne. Le soleil nous accompagne et nous offre des vues incroyables sur le Machhapuchhre. Il ne nous a fallu qu’1h45 pour atteindre le camp de base du Machhapuchhre [MBC] situé à 3,700 mètres d’altitude. Nous nous sentons tout petit au pied de ces sommets qui nous entourent.

À cette hauteur, nous ressentons la pression dans nos crânes et tympans mais rien qui ne nous empêche toutefois de continuer vers l’ABC.

Le temps se couvre en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire et le vent froid se lève. Le chemin entre les deux vallées est propice à son passage et cela nous glace. Le brouillard tombe mais heureusement la pluie ne se manifeste pas. L’ascension des 330 derniers mètres d’altitude n’est pas aisée bien que le chemin ne présente aucune difficulté. En effet, nous ressentons petit à petit l’oxygène se raréfier. Nous fatiguons plus vite et nos mouvements sont beaucoup plus lents. Pas de risques d’avalanches mais nous traversons tout de même des portions de chemin où la glace n’a pas disparu.

Lorsque j’aperçois des toits à travers le brouillard, nous nous rendons compte que nous sommes enfin arrivés après huit jours de marche et beaucoup d’efforts. L’émotion nous submerge en atteignant à 10h45 le panneau signalant l’emplacement du camp de base : nous avons réussi, nous nous sommes dépassés, nous sommes allés jusqu’au bout malgré la météo hostile. Bref, nous sommes fiers de nous et nous rappellerons pour toujours cette journée ! Nous avons commencé ce trek il y a une semaine déjà et nous avons appris beaucoup sur nous-mêmes : l’adaptation au milieu, la résilience et la force de l’esprit.

Nous ne pouvons pas le nier, il fait froid, voire très froid et nous nous refugions toute la journée sous les couvertures dans la pièce commune du lodge « Annapurna guest house et restaurant ». Autant signaler qu’il ne faut même pas envisager de prendre une douche ! Toutefois, nous sommes assez étonnés que le taux d’humidité soit beaucoup moins élevé ici que dans la vallée.

Nous ne sommes pas si nombreux ici et l’ambiance est joyeuse. Nous attendons tous que le ciel se dégage et cela arrive finalement en fin de journée. C’est fou comme la montagne est apaisante et la nature si belle ! C’est sur ces paroles que nous dînons et profitons encore de la vue à la nuit tombée, postés derrière la fenêtre du lodge.

Finalement, pas de bière pour fêter notre ascension car le lodge ne propose pas de bières locales. De plus, Benjamin a légèrement mal à la tête et nous préférons être prudent avec l’alcool à si haute altitude.

Lorsque la nuit tombe, la lumière de la lune réfléchit sur les sommets enneigés, nous offrant ainsi un panorama exceptionnel.

Jour 9 : jeudi 1 juin 2017

Étape 9 : ABC [4,130 m] à Chhomrong [2,170 m]

8h45 – Dénivelé : 1,960 m  – Étages grimpés : 166

31.7 km

Dormir à 4,130 mètres d’altitude, c’est quelque chose ! Cependant, nous n’avons pas eu froid avec les deux épaisseurs de couettes ! Nous pourrions même dire que nous avons très bien dormi lorsque le réveil sonne à 5 heures. Nous ne nous faisons pas prier pour sortir du lit en vitesse, nous habiller chaudement et aller vérifier si le ciel est dégagé.

Incroyable, le soleil n’est pas encore levé mais nous avons une vue dégagée sur le Machhapuchhre, l’Annapurna I, l’Annapurna South et le Hiun Chuli ! Nous découvrons enfin que le camp de base se situe au coeur de toutes ces montages ! Benjamin était très optimiste mais au vu des retours de nos prédécesseurs et de la météo des derniers jours, nous sommes conscients d’être chanceux d’avoir une aussi bonne visibilité !

Cela durera plus de 2 heures ! Toutes nos douleurs de ces huit derniers jours sont effacées et nous nous sentons récompensés pour nos efforts ! Une chance que Benjamin soit tombé malade à Ghorepani et que l’ascension ait été retardée d’une journée !

Lorsque le temps vient de penser à notre exploit, nous avons aussi une pensée pour Mike Horn, l’aventurier rendu célèbre par M6 auquel nous pensons régulièrement tant ses exploits et sa force d’esprit nous fascinent : « contrairement à une idée reçue, les himalayistes ne se fixent pas comme objectif d’atteindre le sommet. En grimpant, on ne pense qu’à descendre. De manière obsessionnelle. Le vrai sommet, c’est le retour au camp de base. Entier. Vivant. » Nous pensions avoir fait le plus dur : rien n’est moins sûr !

Nous décidons ainsi vers 7h30 d’entamer la descente, les yeux toujours levés vers le ciel et émerveillés. Nous mettrons un bon moment à quitter ce paysage fabuleux, nous arrêtant pour prendre des photos et admirer le panorama.

La descente s’effectue par le même chemin que l’ascension. Nous traversons donc Deurali puis Dovan et redécouvrons la portion menant à Himalaya que nous avions faite sous la pluie à l’aller : celle-ci s’avère la moins agréable.

Puis, nous atteignons le village de Bamboo, où nous avons prévu de passer la nuit. Néanmoins, il n’est que 13h10, le soleil brille toujours et nous décidons donc de poursuivre jusqu’à Chhomrong. En effet, nous avions beaucoup aimé notre soirée au « Lucky House Lodge » et avons très envie d’y retourner. Notre motivation : leurs délicieuses pizzas ! Heureusement que cela nous motive car nous avons déjà les genoux et les jambes en compote. Beaucoup pensent que la descente est moins difficile que la montée : si elle est plus rapide, elle est toutefois tellement plus douloureuse ! Le chemin de Sinuwa à Chhomrong nous achève avec ses escaliers interminables et nous sommes heureux d’arriver à destination à 16h15 après 8h45 de marche. Nous avons fait la même distance en une journée que les trois jours précédents !

Nous sommes seuls dans le lodge et goûtons au vin blanc local dénommé Rakshi. Celui-ci a la couleur de l’eau, la teneur en alcool en supplément ! Servi dans une bouteille en plastique reconditionnée, cette boisson vaut le détour.

Jour 10 : vendredi 2 juin 2017

Étape 10 : Chhomrong [2,170 m] à Kimche [1,640 m]

5h00 – Dénivelé : – 530 m – Étages grimpés : 276

20.1 km

Nous nous octroyons une grasse matinée : le réveil ne sonne qu’à 6h30 et nous quittons Chhomrong à 8 heures. À cet instant, nous ne savons pas encore si nous rentrerons ce soir à Pokhara ou si nous ferons un dernier arrêt en chemin. Notre planning est effectivement chamboulé depuis que nous avons atteint Chhomrong la veille à la place de Bamboo.

Nous prenons pendant la première heure la direction de Jhinu où le chemin est encore une fois composé d’escaliers en dénivelé négatif. Nous décidons de ne pas nous arrêter au « Hot Springs » [sources chaudes] et poursuivons vers Ghandruk. Ce dernier trajet est un supplice pour nos jambes car nous devons descendre dans la vallée et remonter de l’autre côté pendant près de trois heures. À cet instant précis, nous décidons que le ratio de marches est atteint et que nous serons à Pokhara dans la soirée. Nous n’irons donc pas à pied jusqu’à Nayapul, notre point de départ, mais ferons ce trajet en bus. Ces derniers partent toutes les heures depuis le village de Kimche pour descendre à Nayapul puis rejoindre Pokhara [350 roupies par personne]. Lorsque nous atteignons le village, la pluie commence tout juste à tomber.

La marche à pied est terminée pour aujourd’hui mais elle laisse place à une toute autre aventure. Nous mettons en effet quatre heures à arriver jusqu’à Pokhara. La route de Kimche à Nayapul est extrêmement mauvaise et objectivement, nous aurions mis moins de temps en marchant ! Le bus fait de très nombreux arrêts au bord de la route pour prendre ou déposer les passagers : après 10 jours de trek, il aurait sûrement mieux fallu prendre un taxi.

De retour à notre hôtel, nous en profitons pour nous faire tout propre et partons fêter notre réussite autour d’une bière bien méritée et surtout tant attendue ! Le Maya Pub est un endroit très charmant et romantique où nous dégustons un délicieux burger. Nous réalisons seulement que le trek est terminé et sommes surtout très fiers d’avoir réalisé cet exploit ! Maintenant, place aux courbatures…